Au premier flocon venu · #28/52

De la neige à perte de vue. Des êtres féroces, tapis dans une ombre qui ne cesse de grandir. Oubliez ce que vous savez de la Terre. La Pliure a tout changé.


Par l’ouverture triangulaire que formaient les blocs de béton, je voyais s’abattre la neige, propulsée par un vent glacial, menaçant. Je craignais que dehors, ma voiture ne soit bientôt plus qu’un vestige, enseveli sous le blanc, inaccessible… mais je n’avais pas eu le choix. Si proche de la Ceinture, se mettre à l’abri au premier flocon venu n’était pas un excès de prudence. C’était une question de vie ou de mort.

Dire que les ancêtres croyaient que la Terre allait se réchauffer… Je me rappelai encore mes grands-parents, parlant des leurs, articulant péniblement des souvenirs racontés d’étés brûlants, en des lieux où désormais l’eau à l’état liquide n’était plus la norme.

Le vent glacial s’engouffra dans mon abri de béton, je me recroquevillai un peu plus, enfonçai ma tête sous ma capuche. Mes orteils étaient gelés.

À Malayah, certains disaient que le froid n’était qu’une construction de l’esprit, que la méditation pouvait nous aider à le surmonter. Ceux-là ne s’étaient probablement jamais avancés si près de la Pliure.

Concentré, je tentais de contrôler mon souffle quand un bruit, dans mon dos, me fit sursauter. En train de sonder à pied une ville fantôme, je m’étais abrité dans les ruines d’un immeuble qu’un tremblement de terre, ou bien le vent avaient abattu. À moitié enseveli dans le sol, à un tiers dans la neige, il n’en restait que des plaques de béton déchirées d’où émergeaient les tiges rouillées des armatures. J’étais prostré dans une cavité dont l’entrée m’avait semblé protégée, difficilement recouvrable par la neige – il ne s’agissait pas de se retrouver piégé. J’avais le dos appuyé contre d’épais gravats, sans savoir ce qu’il y avait de l’autre côté… un ancien couloir affaissé ? une cage d’ascenseur renversée ? rien du tout ? En tout cas, le bruit que j’entendais maintenant ne me rassurait pas.

Encore un bruit, métallique cette fois. Je sursautai comme les chats maigres des faubourgs de Malayah, quand les camions qui apportaient les vivres redémarraient. Je dégainai mon scanner et le braquai sur les rocailles. D’abord il n’y eut rien, que du bleu, que du froid. Puis une tache jaune et rouge apparut, remua. Mon cœur manqua un battement. J’observai la forme… ce n’était pas un humain et cela ne ressemblait à rien que je ne connaisse. Se pouvait-il que… ?

Sur le minuscule écran du scan, le rouge envahit toute l’image. Devant moi les gravats tremblèrent quand ils furent percutés par la chose. Je devais sortir. Je devais regagner Malayah.

Par-dessus mon épaule, je vis par l’ouverture la neige qui avait l’air de vouloir tomber pour l’éternité. Un second choc contre les débris balaya mes dernières hésitations. Je me ruai à l’extérieur.

Au-dehors, c’était comme être pris dans une tempête de sable dont les grains tranchants étaient gelés. Je baissai sur mon visage le masque destiné à me protéger les yeux. Mon véhicule était encore là, distinguable sous l’épaisse couche de neige qui l’avait déjà recouvert, ses énormes roues noires prêtes à affronter les terrains les plus accidentés et les plus glissants… du moins ceux qu’on avait rencontrés jusque là.

J’avançai jusqu’à la voiture, enfoncé dans le blanc à mi-cuisse, puis j’utilisai tout mon corps pour dégager le pare-brise aussi vite que possible.

De l’ouverture dans le béton je parvins à reconnaître un grognement. Ou était-ce mon imagination ? Mes mains gantées agrippèrent la poignée de la portière, mais elle refusait de s’ouvrir. Je dus mettre le pied sur la voiture et tirer de toutes mes forces pour qu’enfin, dans un bruit de glace qui rompt, elle ne s’ouvre d’un coup, me propulsant en arrière sur le matelas froid de la neige. Je me relevai, rentrai dans l’habitacle. Les essuie-glaces battant en rythme, pied au plancher, je démarrai, m’éloignai.

Lorsque j’eus le sentiment d’avoir roulé suffisamment pour être à l’abri, je tapotai les instruments fixés au tableau de bord. Les écrans grésillaient, comme incapables de prendre leur fonction. Les aiguilles devenaient folles dans les cadrans. J’essayai la radio… on n’avait plus de chaînes, mais à certaines fréquences on pouvait encore recevoir les signaux clairs toujours émis par quelques antennes à l’abandon. Je m’attendais à un bip long et limpide, infini… je ne reçus que des crépitements. Pouvaient-ils avoir une influence sur les ondes ?

Alors que je tentais de me repérer et de comprendre ce qui arrivait à mes instruments, je distinguai un point noir à l’horizon. Quelque chose était là, quelque chose bougeait. J’allais droit dessus. Avec le vent, la neige, je voyais difficilement… mais je finis par apercevoir deux bras qui s’agitaient. Cela ressemblait à quelqu’un. Quelqu’un dans cette région ? Impossible.

À Malayah, on sait peu de choses sur les bêtes, mais on dit qu’elles peuvent nous manipuler, nous donner des illusions pour nous attirer à elles. Cette personne, dans la neige… c’était un piège.

Tandis que je me rapprochai dangereusement, un décor commença à se dessiner autour de moi. Je vis des arbres nus au tronc noir qui émergeaient de talus couverts de neige, comme des poils hérissés sur une peau blanche. J’avais quitté les restes d’une ville pour ceux d’une forêt et n’étais plus qu’à quelques dizaines de mètres d’un mirage, une illusion d’apparence humaine j’allais balayer d’un grand coup de pare-chocs.

C’est au dernier moment avant le fracas que je vis son visage. C’était une femme qui me faisait signe, les deux bras en l’air, les yeux remplis de panique et suppliant qu’on l’aide. Mon cerveau oublia tout ce qu’on racontait sur les capacités des bêtes à nous faire halluciner. L’humain en moi se réveilla et je donnai un violent coup de volant juste avant l’impact.

Je freinai autant que possible, m’arrêtai. Il n’y avait rien dans le rétro.

Je descendis de la voiture et fis quelques pas. Une masse sortit lentement de la neige. Ma manœuvre l’en avait recouverte.

– Vous êtes dingue ? Vous m’avez fait peur !

Elle parlait ma langue. Des gens parlaient ma langue en dehors de Malayah. Elle se débarrassa de la poudreuse. À la taille, elle portait quelques outils et une arme.

– On ne se connaît pas, je crois ? articulai-je.

Elle eut l’air de réfléchir un instant, comme si elle s’en rendait seulement compte.

– Non, c’est vrai.

– Désolé pour…

Je lui montrai ma voiture. Elle haussa les épaules.

– C’est inespéré de trouver quelqu’un si loin dans les terres gelées. Vous pouvez m’aider ?

– Venez vous mettre à l’abri dans la voiture !

Le vent continuait de souffler, commençant à ramener avec lui de plus en plus de flocons. Je courus, elle me suivit. Une fois dans le véhicule, je repris :

– Dites toujours.

– Ma motoneige est tombée en panne, et je ne parviens pas à joindre la base.

Elle alluma la radio, pensant sans doute pouvoir émettre. La note claire et continue de l’antenne se fit entendre.

– La base ? demandai-je. Quelle base ?

– Il y a une ville près d’ici. Panira. On y a une base pour concentrer les personnes susceptibles d’explorer les environs, et contrôler l’avancée de la Pliure.

– Elle… elle se déplace ?

– Vous plaisantez ? de jour en jour !

J’accusai le coup.

– Bon, poursuivit-elle. Ma motoneige est par là. Vous pensez que vous pourriez la tracter jusqu’à Panira ?

– C’est loin d’ici ?

– Une cinquantaine de milles.

Elle aurait pu dire une centaine, rien n’aurait altéré ma curiosité. Il y avait une ville, une autre ville que la mienne, avec des humains organisés pour survivre au froid, en train d’étudier la Ceinture et la Pliure. En les rejoignant, je pouvais espérer récolter des informations utiles pour les miens.

– C’est faisable. J’ai une corde à l’arrière.

– Génial ! Merci beaucoup.

Je tournai la clé pour démarrer.

– Dites-moi où est votre moto.

– Un… un peu plus loin.

Elle me regardait d’un drôle d’air.

– Quoi ? Un problème ?

– Votre voiture…

– Oui, quoi ?

– Vous roulez à quoi ?

– Diesel.

– Pardon ?

Elle s’était complètement tournée sur son siège, me fixait avec des yeux ronds.

– Le dérivé du pétrole ?

– Ben…

– Mais d’où venez-vous ?

– D’une petite ville plus à l’ouest. Malayah.

– Plus à l’ouest ?

– On n’est pas nombreux. Quelques centaines. On a des réserves de carburant et de quoi produire de l’électricité. Mais on galère avec le vent glacial, ça abîme les éoliennes.

J’avais envie de tout raconter de la vie en espace clos entre les murs de Malayah, cité à moitié troglodyte, se contenant elle-même. Je voulais que ça sorte, maintenant que j’avais face à moi un interlocuteur étranger à ma vie froide.

– Je n’en ai jamais entendu parler… confessa-t-elle. Oh ! C’est ici.

Je freinai. Elle enleva sa ceinture et descendit. Je la suivis entre les arbres sur quelques mètres pour trouver la moto. Nous ne fûmes pas trop de deux pour la pousser jusque derrière la voiture et l’y attacher.

– Il a l’air de faire calme, dit-elle, paume vers le ciel pour y recevoir à peine quelques flocons.

– Je me méfierais si j’étais vous. Le soleil est bas, il va faire de plus en plus froid. Et à moins de quinze milles d’ici, dans cette ville en ruines, j’ai vu une bête avant de vous croiser. Il ne s’agirait pas qu’elle ait suivi ma piste.

Quelque chose dans ce que j’avais dit semblait la déranger, mais elle ne répondit rien. Je repris ma place derrière le volant, elle à côté de moi, et la laissai me guider pour gagner la cité de Panira.

Quelques coups d’accélérateurs et une poignée de minutes suffirent à nous extraire de la forêt. Elle s’appelait Julia et ne parla pas plus que nécessaire. Elle se contenta de m’indiquer les roches, les restes d’immeubles, les arbres morts assez grands pour ne pas avoir encore été ensevelis… tous les éléments qui lui permettaient de se repérer dans l’espace environnant.

Je mourais d’excitation à l’idée de découvrir une ville nouvelle et ses habitants. J’aurais voulu poser mille questions à Julia, mais j’étais trop concentré sur la route. Je craignais les mirages causés par les bêtes, sachant que l’une d’elles au moins aurait pu nous suivre.

Je maintenais le cap depuis plusieurs dizaines de minutes lorsque je sentis des vibrations inhabituelles dans les pédales et le volant.

– Ouh la…

– Un problème ?

– Le sol tremble.

Et tandis que je prononçais ces mots, c’est une véritable secousse qui s’abattit sur nous, nous décollant un instant de nos sièges, me faisant zigzaguer sur quelques mètres. Un coup de volant mal assuré et la voiture fit un tête à queue avant de s’immobiliser. J’avais calé. Je redémarrai, la main tremblante sous l’effet du début de séisme.

– La Terre est instable par ici, on se rapproche de la Pliure ! dis-je.

– Non… répondit Julia, les yeux collés à la vitre. C’est la Pliure qui se rapproche de nous !

Je me penchai pour regarder de son côté. Là où d’ordinaire le sol blanc et le ciel ne faisaient qu’un, je vis la ligne d’horizon se soulever, s’élever dans un mouvement lent, progresser vers nous en renversant sous elle les arbres morts et les roches. Dans un grondement extraordinaire, la neige, au loin, fut plongée dans la nuit artificielle de ce repli naissant. L’ombre du sol devenu plafond avançait vers nous, hypnotique. La neige, les troncs et tout ce que la terre portait chutaient lourdement sous la Ceinture. Ce rideau de débris, cette avalanche verticale progressait de plus en plus rapidement. L’urgence d’agir me reprit soudain, comme un coup de fouet. Julia cria :

– La motoneige !

Elle se rua hors de la voiture. Je la vis dans le rétroviseur se dépêcher de détacher son véhicule du mien, pour ne pas nous ralentir. Elle revint aussi vite qu’elle put, frigorifiée.

Je démarrai et commençai à rouler dans une direction inconnue, mais contraire à celle de la ceinture. Je sentis bientôt l’arrière de la voiture se soulever avec le sol, la neige se mit à craquer. Il en tombait à n’en plus finir tandis que je traçais, vite enfoncé jusqu’au capot, tentant désespérément de nous laisser glisser dans le creux de la pente d’un terrain qui évoluait à chaque seconde.

Était-ce la panique ? Jamais je n’avais connu de tel bouleversement, jamais je n’avais assisté à la Pliure. Mais cet évènement me semblait terriblement familier. Dans un moment d’absence inexplicable pour les circonstances, je me revis debout dans Malayah et, sans rien voir d’autre, ressentis au plus profond de moi la sensation de tristesse et de peur que provoquent la mort et la destruction, avec toute la finesse de restitution que peut apporter le cerveau à certains souvenirs.

Le basculement de la voiture me rappela à la réalité. Elle fit un tonneau, puis un deuxième. Le pare-brise éclata, la neige nous sauta sur le corps comme un animal féroce. Et ce fut le noir complet.

*

Il y avait encore des écrans fonctionnels pour montrer le monde se déchirer, se replier sur lui-même. Il y avait des images retrouvées par miracle à faire voir à tous, des images d’ombres filant dans le ciel, répandant les séismes, imprégnant la Terre de leur influence.

Puis il y eut la neige, la neige, la neige.

La Terre gela, les peuples migrèrent pour s’éloigner de la Ceinture, les autres moururent.

Était-ce un souvenir mien ou un souvenir raconté ?

Étais-je présent au premier vol des bêtes ?

Étais-je présent dans la grande migration ?

Étais-je présent quand Malayah fut détruite par la Pliure ?

Malayah… détruite ?

*

– Il se réveille, regardez.

– Laissez-le respirer.

– Écartez-vous.

Mes paupières s’ouvrirent. Lentement, je pris conscience de la consistance de mon propre corps. Ma vue était trouble, la mise au point se fit en plusieurs secondes.

Je vis des hommes et des femmes penchés sur moi. J’étais allongé sur un lit étroit en matière plastique, une véritable extension du mur. La pièce était exiguë. Il ne faisait pas froid.

– Bienvenue parmi nous, me dit l’un de ceux qui étaient vêtus comme des prêtres ou des prêcheurs quelconques.

– Qu’est-ce que je fais là ? demandai-je.

– Nous vous avons retrouvé enseveli sous la neige, à vingt milles d’ici. Une chance qu’on vous ait ramené vivant… et un mystère aussi, si loin sous la Pliure. Vous avez dormi pendant trois rotations.

Les souvenirs remontèrent à la surface.

– Est-ce que je suis… à Panira ?

Les prêtres échangèrent un regard.

– Panira ? La ville de Panira ?

Une femme dit :

– Panira a été détruite par la Pliure il y a des années…

– Mais… cette femme… Julia ? Comment va-t-elle ?

– Une femme ?

– À côté de moi, dans la voiture.

– On n’a retrouvé personne d’autre.

Je vis que mes dires les intriguaient. La femme et un deuxième homme se mirent à marmonner. J’entendis :

– Se pourrait-il que ce soit notre Julia ?

– Bien sûr que non…

– Il y a quelque chose d’étrange, regardez ses vêtements, ses affaires…

– Je vais la chercher.

Le deuxième homme quitta la pièce.

– C’est Alnitak, notre balise active la plus éloignée de la Pliure, qui a repéré votre chaleur, dit la femme.

Je me redressai lentement. Ma tête tournait. Je dégageai la couverture pour regarder mes pieds. J’avais encore tous mes orteils, un miracle après une avalanche. Je m’assis sur le lit.

– D’où venez-vous ? me demanda-t-on. Vous vous souvenez ?

Je déglutis et dis :

– Malayah.

– C’est impossible.

– Et pourquoi ?

– Parce que vous y êtes, ici, maintenant.

Je la regardai, interdit. Je descendis du lit.

– Non, non, vous ne devriez pas…

Je m’approchai de la petite fenêtre ronde. Elle donnait sur une sorte de ruelle souterraine faite dans la même matière que les murs, le sol, et mon lit. On se serait cru dans une termitière artificielle, une ville enterrée. J’observai le mur de la pièce en passant les doigts à sa surface. Il était légèrement strié sur toute sa longueur.

– Vous avez… imprimé des bâtiments ?

– Vous ne connaissez pas cette technique ?

Je regardai dehors, encore.

– Ce n’est pas Malayah…

– Si… si vous parlez de l’ancienne Malayah, elle a été détruite elle aussi… bien avant Panira.

Le deuxième homme revint, accompagné d’une femme qui devait avoir plus de soixante ans. Nos regards se croisèrent.

Je trouvai en elle quelque chose qu’avait cette jeune femme que j’avais rencontrée en chemin.

– Vous… vous êtes Julia ?

Elle ne répondit pas.

– Je vous ai retrouvée à l’orée d’une forêt. Votre motoneige était en panne. Je l’ai tractée sur plusieurs milles avant qu’on ne soit trop proche de la Ceinture !

– Comment avez-vous connaissance de ces évènements ? C’était il y a des années ! On m’a récupérée seule dans la neige, le corps de l’homme avait disparu…

– Il n’avait pas disparu, je suis là, je suis là maintenant, regardez-moi !

– Il disait des choses bizarres… il parlait de villes en ruines ensevelies depuis des siècles…

J’avais besoin d’air.

Je bousculai les prêcheurs et quittai la pièce.

– Attendez ! entendis-je derrière moi.

J’avançai dans les couloirs, quittai le bâtiment.

Debout sur un sol identique, au milieu d’une galerie aux parois faites de la même matière, j’étouffai tout autant. Je me remis à courir, élançant mon corps dans un mouvement qu’il n’avait pas connu depuis… mais depuis combien de temps ?

– Attendez ! cria-t-on de nouveau.

Je croisai quelques citadins aux vêtements étranges, qui me regardaient avec curiosité et incompréhension. Je courus, courus encore. Bientôt je vis l’ouverture, le disque de lumière au bout d’un couloir tout en montée, par où rentrait un peu de neige.

Pieds nus, j’avançai vers la lumière éblouissante.

Julia. L’avalanche. Le trou noir.

Moi, accroupi dans les ruines d’une ville, aux prises avec une bête. Mais quelle ville était-ce ? Une voix en moi murmura : Malayah.

Pieds nus, j’avançai dans la neige. Le froid m’engourdit instantanément.

Je me revis debout dans Malayah, assistant à son soulèvement… Je revis les bâtiments se dresser, le sol devenir le ciel, les tuiles, les pierres, la neige tomber dans le chaos de la Pliure.

J’avais de la neige jusqu’à la taille.

Je me revis mourant de chaud, au lieu même où naquirent les ombres, où volèrent les bêtes pour la première fois. Là où la Terre s’était mise à se replier sur elle-même. J’étais là. J’y étais, et ma vie s’était repliée avec elle.

Prisonnier des rotations de ma propre vie, l’esprit ailleurs, autre part, je tombai dans la neige, lourd comme le poids d’un passé en spirale, léger comme un flocon.


« Au premier flocon venu » s’inscrit dans l’univers des « Chroniques de la Terre gelée », créé par François TJP et Tristan Lohengrin. Leur travail sous Creative Commons m’a permis d’imaginer cette histoire, merci à eux pour cette ouverture créative ! Je ne peux que vous inciter fortement à écouter la fiction audio Le chasseur, qui a constitué ma rencontre avec les « Chroniques de la Terre gelée » et a provoqué en moi l’envie irrépressible d’écrire une nouvelle s’y inscrivant. Rendez-vous sur terregelee.org pour découvrir tout cet univers.


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